AlgoSolis : répondre aux défis de l’exploitation industrielle des microalgues

L’activité de votre entreprise est en lien avec les microalgues et vous êtes à la recherche d’un lieu d’implantation ?

Saviez-vous que la région des Pays de la Loire regroupe toutes les compétences et les savoir-faire pour étudier, cultiver et transformer cet or vert ?

Ici, la filière s’organise autour d’acteurs académiques et économiques, notamment AlgoSolis.

L’objectif d’AlgoSolis ? Répondre aux défis de l’exploitation industrielle des microalgues. Basée à Saint-Nazaire (en Loire-Atlantique), cette plateforme R&D innovante a été créée en 2015 et positionne les Pays de la Loire à la pointe de la recherche et de l’innovation dans ce domaine.

Rencontre avec le Pr. Pascal Jaouen, directeur délégué de la structure !

Comment est organisée AlgoSolis et quelles sont ses missions ?

AlgoSolis a été créée en 2015 et a bénéficié depuis son démarrage de près de 6 millions d’euros de financements publics, notamment par la Région des Pays de la Loire, l’État et l’Europe. La plateforme vient d’inaugurer (octobre 2023) l’extension de la partie tertiaire de l’infrastructure (ajouts de bureaux et open-space, halle d’accueil etc.).  

Nous sommes deux professeurs associés à la direction d’AlgoSolis : Jérémy Pruvost est directeur du laboratoire GEPEA, spécialiste des cultures contrôlées de microalgues et de modélisation, tandis que je suis professeur à l’école d’ingénieurs Polytech, précédent directeur du GEPEA et expert du bioraffinage et de l’extraction de molécules d’intérêt à partir d’algues.  

Nous pilotons cette structure d’une dizaine de personnes qui se positionne comme le chaînon manquant entre la recherche universitaire et l’industrie. Il manquait en effet une étape intermédiaire, jusqu’où le financement public ne monte pas et jusqu’où le financement de l’innovation privée ne descend pas suffisamment. 

Nos tutelles et principaux co-financeurs (Nantes Université, CNRS, Région des Pays de la Loire, Saint-Nazaire agglomération) nous ont assigné trois missions principales : 

• Soutenir le développement de la filière industrielle des microalgues
    
• Amplifier le rayonnement et l’attractivité internationale afin d’attirer des talents, des entrepreneurs, des chercheurs de haut niveau, des étudiants internationaux
    
• Favoriser le changement d’échelle pour industrialiser des solutions innovantes, en progressant en particulier sur les niveaux de maturité technologiques intermédiaires (Positionnement TRL 2 à 7 dans le jargon européen de l’innovation) 
   

Quels sont les domaines d’activités dans lesquels les microalgues peuvent être utilisées ? 

Il existe de nombreuses applications des microalgues dans l’industrie (de la TPE, en passant par les PME et ETI, jusqu’aux grands groupes), notamment : 

• L’aquaculture, car les microalgues sont le premier maillon de la chaîne alimentaire en milieu aquatique ; nous y retrouvons ainsi toutes les substances biochimiques de base nécessaires à la vie.
• L’alimentaire, pour élaborer des compléments nutritionnels et bioactifs.
• Le « feed », à savoir l’alimentation ou la nutrition animale, par exemple pour produire ou complémenter des croquettes ou aliments humides.
• La cosmétique : en effet les microalgues entrent aujourd’hui dans la composition de plus de 130 préparations cosmétiques, notamment pour leurs vertus hydratantes, antioxydantes et anti-rides. 
• La santé : il s’agit là d’un enjeu majeur, car il y a des cancers pour lesquels un meilleur accompagnement thérapeutique est important pour que les traitements soient plus efficaces, ainsi que pour limiter les effets secondaires de la chimiothérapie qui fatigue beaucoup l’organisme. L’entreprise AlgoSource basée à Guérande est, par exemple, impliquée dans la réalisation et le pilotage d’études cliniques actuellement en cours avec plusieurs CHU du territoire national.
• La santé végétale et le bio-contrôle, pour l’amendement des sols et la lutte contre des pathologies ou des parasites de plantes.
• La production de biomatériaux, avec pour objectifs la fabrication additive en impression 3D utilisant des polysaccharides (sucres) de microalgues.
• L’énergie, avec l’extraction de lipides (huiles) qui pourraient servir de base à des carburants de nouvelle génération, pour l’aviation notamment.
• La chimie verte, en produisant et en extrayant des « molécules plateformes » potentiellement intéressantes en tant qu’intermédiaires de synthèse.
• L’écologie industrielle, car les algues sont de formidables capteurs de CO2 et d’azote qui permettent de transformer des effluents gazeux ou liquides en matière organique algale valorisable.
• Le spatial, où les enjeux généraux sont ceux du « support de vie dans l’espace » avec de réelles retombées terrestres sur les questions d’ingénierie circulaire. AlgoSolis vient d’ailleurs d’intégrer, depuis janvier 2024, le consortium européen MELiSSA piloté par l’Agence Spatiale Européenne – ESA.

En quoi consiste l’accompagnement proposé par AlgoSolis ? 

AlgoSolis dispose d’installations pré-industrielles (20 lignes de production) qui permettent de faire de la sélection de souches, de produire des microalgues ou de faire du bioraffinage. Nous proposons l’accompagnement scientifique des projets conjointement avec le Laboratoire GEPEA ce qui peut nous conduire par exemple à faire de la propriété intellectuelle en déposant des brevets après instruction par la SATT Ouest Valorisation. Nous faisons également de l‘ingénierie de projets incluant le montage financier et la gestion RH associés, en étroite collaboration avec Capacités SAS qui nous accompagne efficacement au quotidien sur ces aspects. Nous travaillons aussi en complémentarité avec des pôles de compétitivité comme le Pôle Mer Bretagne Atlantique, Valorial ou encore avec Atlanpole.  

Environ 70 % de notre activité est consacrée à des programmes collaboratifs nationaux ou internationaux, souvent soutenus au niveau financier par une aide française ou européenne, et 30 % à des prestations pour le compte de donneurs d’ordre. En permanence au GEPEA, il y a une vingtaine de thèses de doctorat en cours sur les microalgues, ainsi que cinq à dix projets nationaux ou européens. Plusieurs d’entre eux mobilisent régulièrement AlgoSolis pour valider une étape de montée en échelle. Enfin, nous accueillons en hébergement temporaire de très petites entreprises, en accompagnant des startups deeptech en démarrage. Notre force est que notre démarche s’inscrit sur le temps long pour aller vers de nouvelles productions, de nouveaux procédés ou de nouveaux usages.  

Vous intervenez sur de nombreux projets. Quels sont les exemples récents les plus impactants ? 

Sur la thématique des bioprocédés & microalgues, notre tandem Laboratoire GEPEA + Plateforme de R&D AlgoSolis fait partie du top 3 européen. De plus, parmi les clusters de recherche et d’innovation sur les microalgues, nous sommes probablement, avec nos partenaires industriels régionaux, les plus structurés au niveau mondial. Parmi les projets que nous avons menés, nous pouvons en citer trois qui étaient particulièrement porteurs : 

• Qinetiq : nous avons travaillé avec Capacités SAS avec une spin-off de l’Agence spatiale européenne qui avait une problématique de récolte des microalgues et de recyclage des milieux de culture pour l’un des compartiments du support de vie dans l’Espace.  
• Spirubio : nous avons mené ce projet qui est soutenu par la Région Pays de la Loire. Il s’agissait de contribuer à la mise au point des procédés et protocoles pour produire des microalgues visant une “certification BIO” et en particulier de spiruline. L’objectif est d’accompagner les entreprises régionales à affronter la concurrence étrangère. 
• CimentAlgue : il s’agit d’un programme collaboratif soutenu par l’Ademe en lien avec Vicat qui est le plus gros cimentier français. L’objectif était de valoriser la chaleur fatale produite par la cimenterie afin de chauffer un bassin de production et d’utiliser le CO2 comme source de carbone pour la production de microalgues. Ce démonstrateur industriel s’est concrétisé en Isère. La société AlgoSource en est l’actuel opérateur.

Et quel serait le projet “coup de cœur” que vous pourriez mettre en avant ?

Nous avons eu le plaisir d’intervenir sur Discuss, un projet mené avec la célèbre université de Californie UCLA, à Los Angeles : mon collègue Pr. J. Pruvost a par exemple encadré (au niveau du GEPEA et d’AlgoSolis) une thèse de doctorat en cotutelle avec cette université américaine. Jack, l’étudiant concerné, a défendu une thèse sur la production solaire de microalgues avec une optimisation de l’outil de production. L’objectif serait dans ce cas de développer de l’algoculture urbaine. 

Quels sont les atouts des Pays de la Loire pour le développement de la filière des microalgues ?

Comme nous sommes au bord de l’océan, il y a ici une grande concentration d’acteurs (recherche, entreprises, enseignement professionnel et/ou universitaire) dans le domaine des biotechnologies marines et les Pays de la Loire permettent des collaborations croisées qui sont riches. Sur le plan de la recherche sur les microalgues, la communauté scientifique du territoire de Nantes Saint-Nazaire est dans le top 10 mondial en termes de publications : c’est un endroit où il se passe quelque chose.  

Cette dynamique est aussi portée par une vraie volonté politique, et le conseil régional des Pays de la Loire a lancé sa feuille de route microalgues il y a trois ans pour coordonner cette ambition. En tant que collectivité locale, Saint-Nazaire agglomération nous soutient également activement depuis toujours sur nos projets. 

Quel regard portez-vous sur l’évolution du secteur des microalgues en Pays de la Loire au cours des dernières décennies ?

Je travaille depuis 35 ans dans le domaine, et je suis donc particulièrement conscient de l’évolution qu’il y a eu sur le territoire ; les progrès sont notables. Avec nos équipes, nous sommes très mobilisés sur la structuration du continuum enseignement / recherche / innovation / industrie, car chaque secteur se nourrit de l’autre : il est essentiel de les faire interagir et travailler ensemble afin que l’innovation se transmette et soit utile aux entreprises. Nous souhaitons justement que la plateforme de recherche et d’innovation AlgoSolis soit ce trait d’union entre le monde académique et l’industrie, ce qui manquait auparavant.

Nous avons bien progressé et sommes quasiment arrivés à notre objectif : le but est que d’ici un an ou deux, quel que soit notre interlocuteur (un petit producteur local de spiruline, une université prestigieuse ou une grande entreprise), celui-ci puisse nous poser n’importe quelle question relative aux microalgues et que nous soyons en mesure de lui donner la réponse ou de trouver la manière de le faire, par exemple en démarrant une thèse de recherche sous convention CIFRE, en organisant un congrès, en hébergeant provisoirement une start-up, en organisant une session de formation continue, ou tout simplement en produisant de la biomasse, etc. 

Notre marge de progression à l’international est également réelle. Au-delà des projets collaboratifs européens que nous menons déjà, nous pensons que notre récente intégration aux deux consortium très renommés « MELiSSA-ESA » (transfert du spatial vers le terrestre) et « IBISBA.eu » (pan-European research infrastructre, Industrial Biotechnology) nous permettront de franchir rapidement un saut qualitatif. Avec nos deux récents recrutements (Directeur des opérations, et Technicien de maintenance) et toute l’équipe AlgoSolis nous sommes désormais bien staffés pour être la plateforme de référence, le catalyseur pour l’innovation et la R&D sur les microalgues, au plan européen. 

RDV sur le site d’AlgoSolis pour + d’informations