Les Pays de la Loire veulent carburer à l’hydrogène

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Changement d’échelle annoncé pour la filière hydrogène en France : le gouvernement veut faire de la France de demain le champion de l’hydrogène décarboné et s’en donne les moyens avec 7,2 milliards d’euros d’investissements programmés d’ici 2030. Cette ambition rejoint celle de la Région qui ne manque pas d’atouts pour faire émerger des acteurs de premier plan sur ce nouveau marché à forte valeur ajoutée.

Des investissements massifs pour développer l’hydrogène en France

 « Nous allons investir 7,2 milliards d’euros d’ici à 2030, dont 2 milliards dès le plan de relance, pour faire de la France un pays de pointe sur l’hydrogène vert ». L’annonce, faite par le Premier ministre Jean Castex à l’occasion de la présentation du plan de relance, le 3 septembre, marque une accélération significative dans le déploiement de cette technologie en France. Pour mémoire, en 2018, le plan national de Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, prévoyait « seulement » 100 millions d’euros pour le développement d’une filière qui répond à nombre d’enjeux : rebond économique, création d’emplois, transition écologique, innovation technologique et relocalisation industrielle. Comment cet argent va-t-il être utilisé ? La stratégie retenue par le gouvernement pour la période 2020-2023, au cours de laquelle 3,4 milliards d’euros doivent être engagés, s’articule autour de trois priorités.

Priorité 1 : soutenir la production d’hydrogène renouvelable

Avant de carburer à l’hydrogène, la France doit commencer par en produire. L’objectif est de 6,5 gigawatts d’électrolyseurs installés en 2030.  L’hydrogène produit devra être « vert » ou « renouvelable ». Il existe en effet plusieurs sortes d’hydrogène. L’hydrogène « gris », qui représente aujourd’hui 96 % de la production mondiale, est obtenu à partir d’énergies fossiles. Ce n’est pas le choix fait par le gouvernement. Plus de la moitié de l’investissement public prévu sur les trois prochaines années doit servir à développer les capacités de production hexagonale d’hydrogène décarboné. La technologie privilégiée, car jugée la plus prometteuse, est celle de l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité d’origine renouvelable : solaire, éolien… A la différence de l’hydrogène « gris », l’hydrogène renouvelable ne rejette dans l’atmosphère ni gaz à effet de serre, ni particules fines.

Priorité 2 : décarboner l’industrie et les transports

C’est pourquoi, dans un second temps, la stratégie du gouvernement vise à inciter l’industrie à effectuer sa transition de l’hydrogène « gris », dont le raffinage et la chimie sont les principaux consommateurs, vers l’hydrogène « vert ». L’objectif inscrit dans la programmation pluriannuelle de l’énergie est d’atteindre 10 % d’hydrogène décarboné dans l’industrie en 2023, puis 20 à 40 % en 2028. Encore faut-il que cet hydrogène « vert » soit compétitif par rapport aux solutions carbonées. Des dispositifs incitatifs sont à l’étude pour amorcer la transition. Les transports constituent l’autre secteur ciblé pour le déploiement des technologies de l’hydrogène, qui offrent une capacité de stockage complémentaire à celle des batteries électriques et répondent aux besoins de fortes puissances motrices ou de longue autonomie des véhicules lourds : poids lourds, bus, bennes à ordures ménagères, trains régionaux…

Priorité 3 : développer la recherche et la formation

Pour favoriser les usages de demain en matière d’hydrogène, l’Etat va affecter des moyens à la recherche, à l’innovation, mais aussi au développement des compétences. Un premier programme de recherche, doté de 65 millions d’euros, portera sur la future génération des technologies de l’hydrogène : piles, réservoirs, matériaux, électrolyseurs… L’accent est également mis sur la formation, avec la mise en place de « campus des métiers et qualifications » (30 millions d’euros en 2021). L’enjeu n’est pas négligeable : il s’agit de créer 50 000 à 150 000 emplois directs et indirects en France dans cette filière émergente.

Faire émerger une filière hydrogène d’excellence en Pays de la Loire

Dès 2016, la Région des Pays de la Loire avait pris date en intégrant l’émergence d’une filière hydrogène à sa feuille de route sur la transition énergétique. Aujourd’hui, elle accélère en votant une enveloppe de 100 millions d’euros sur 10 ans pour se positionner comme un territoire d’excellence en matière d’hydrogène décarboné.

Des opportunités d’affaires à saisir

La feuille de route régionale a ainsi pour ambition de :

  • Couvrir 100 % des nouveaux besoins d’hydrogène à l’horizon 2030 par une production régionale renouvelable, soit 3 100 tonnes par an.
  • Déployer une quinzaine de stations de production et de distribution d’hydrogène sur l’ensemble du territoire régional.
  • Contribuer à l’achat des 500 premières voitures à hydrogène, au lancement d’une première ligne de car Aleop et de TER hydrogène sur l’axe ferroviaire de l’étoile mancelle, à l’expérimentation d’une navette maritime vers l’Île d’Yeu…
  • Développer une filière régionale capable de concevoir et développer l’avion, le train ou le paquebot hydrogène du futur.

Ces objectifs représentent autant d’opportunités économiques à saisir, aussi bien sur les marchés de la production et de la distribution d’hydrogène renouvelable, que dans les secteurs utilisant cette technologie et, en premier lieu, celui des transports (maritimes, ferroviaires, aéronautiques et automobile), très présent sur le territoire.

Un écosystème favorable

La filière de l’hydrogène renouvelable ne part pas d’une page blanche dans la région. Le territoire est doté d’une expertise en matière de construction navale, de systèmes embarqués et de qualification marine de systèmes batteries et piles à combustible. Il compte des moyens d’essais spécifiques comme la plateforme du CEA TECH de Bouguenais ; des grands donneurs d’ordre comme Les Chantiers de l’Atlantique, Naval Group ; des chantiers de construction comme Ocea, Navalu, Mecasoud, Alu Marine, Bénéteau… ; des intégrateurs comme ECA Robotics, Europe Technologies et de nombreux sous-traitants regroupés, entre autres, au sein du réseau Neopolia, ainsi que des maîtres d’ouvrages qui ont expérimenté des applications fluviales comme la Semitan avec le Navibus.

Les Pays de la Loire comptent également :

Des réalisations concrètes avec la première station Multhy, opérée par la Semitan, qui accueille déjà des véhicules utilitaires à Saint-Herblain (44), le Navibus Hydrogène Erdre entré en service en 2018, des véhicules de service fonctionnant à l’hydrogène sur l’Île d’Yeu, le bâtiment DeltaGreen à Saint-Herblain qui redistribue l’énergie photovoltaïque en période déficitaire grâce à une technologie utilisant l’hydrogène…

Deux grands projets en cours de développement :

  • H2Ouest s’articule autour de la production d’hydrogène à partir de parcs éoliens et du développement de différents usages terrestres en Vendée et au Mans. Dès 2021, l’usine opérée par la start-up Lhyfe à Bouin produira, pour des clients locaux, de l’hydrogène 100% « vert » avec une électricité provenant du parc éolien.
  • H2 Loire Vallée a pour objectif de créer une chaîne de valeur autour de l’hydrogène maritime et fluvial par l’intégration de systèmes hydrogène dans les embarcations et les équipements. La start-up cannoise Hyseas a ainsi fait le choix de venir s’implanter à Saint-Nazaire pour profiter de ces opportunités de développement (voir l’interview). Un projet de bateau de service à motorisation hydrogène est également à l’étude dans le cadre de la maintenance des premiers parcs hydroliens français, dont celui au large de Saint-Nazaire.
Le cycle de l'hydrogène

Interview de Arnaud Vasquez, dirigeant de Hyseas Energy


« Nous avons choisi Saint-Nazaire pour nous rapprocher de l’épicentre de la navigation à haute valeur ajoutée en France ».

La start-up cannoise Hyseas Energy (6 personnes), spécialisée dans les systèmes énergétiques utilisant les technologies de l’hydrogène et des piles à combustibles pour des applications maritimes et fluviales, s’installe à Saint-Nazaire. Son dirigeant Arnaud Vasquez explique pourquoi.

« La société est née à Cannes, mais nous avons choisi d’implanter notre pôle technologique, ainsi que notre site de production et de formation dans la région de Saint-Nazaire et, ce, pour plusieurs raisons. Nous avons d’abord voulu nous rapprocher de l’épicentre de la navigation à haute valeur ajoutée en France. Ensuite, notre activité de shipping est de facto internationale et ce territoire a la pratique des relations industrielles à l’échelle mondiale. D’autres facteurs ont compté : le dynamisme de la région, une localisation idéale sur la façade atlantique et à proximité de Paris, l’existence d’un pôle de compétences et de formation, tant dans la navale que dans l’aéronautique, qui utilise les mêmes méthodes de développement que nous. Nous avons également adhéré à Neopolia, car nous espérons trouver dans ce réseau des partenaires industriels pour produire localement certains de nos composants. Nous avons été accompagnés dans notre démarche par la Carène et l’agence Nantes Saint-Nazaire Développement qui nous ont ouvert leurs réseaux et présenté des bâtiments disponibles. Nous avons actuellement plusieurs projets en cours dans la région. Ils sont encore confidentiels mais vont nous faire changer d’échelle. Nous prévoyons de produire une vingtaine de technologies de motorisation marines en 2023. »

www.hyseas-energy.com

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